Le Poulet aux écrevisses

... Dans les années soixante, je puisais mes idées dans le livre de la Mazille : La Bonne cuisine du Périgord. La lecture d’une recette de la Vieille Victoire m’avait enthousiasmée. Dans le déroulement des pages, j’apprends que Victoire était la cuisinière renommée d’un  restaurant de village de la région de Saint Astier en Périgord.

une etrange resonance dans l'histoire du poulet marengo.

Dans les années soixante, les écrevisses pullulaient dans les petits ruisseaux campagnards. Le poulet confit en sauce courte, les écrevisses saisies et flambées avec un tout petit verre d’alcool de la maison, les aromates venus droit du jardin : persil, thym et laurier.
A ma surprise, j’ai retrouvé cet assemblage volaille-crustacés dans plusieurs régions de France où j’ai pu en déguster différentes versions. Dans l’Ain avec des morilles, en Normandie avec une sauce à la crème et en Champagne, poulet déglacé au vieux marc, en Corrèze, alcool de prune et champignons du moment.

 
Mais seulement en Périgord ce plat est agrémenté d’une tartine de Foie gras surmonté d’un œuf frit brûlant…. Cet ajout à mettre au crédit de la grande Victoire fait une belle et savoureuse différence.

Les plats d’inspiration historique sont peu nombreux. Mais j’ai trouvé une étrange résonance quand j’ai lu l’histoire du poulet Marengo. Raconté avec fierté par Dunan lui-même.

La bataille a fait rage toute la journée dans les plaines de Marengo. La victoire revient aux Français. Tout le monde est exténué, Napoléon fourbu et affamé réclame à manger. La roulante n’est pas encore arrivée. Dunan, Cuisinier personnel de l‘Empereur, envoie deux soldats au village proche avec mission de ramener ce qu’ils pourront trouver. Ils reviennent avec un poulet, des oignons, une dizaine d’écrevisses et deux ou trois tomates. Dunan plume, fait sauter, déglace avec la « gourde du soldat » et présente à l’empereur… Un poulet aux écrevisses. L’Empereur se jette sur le plat, se déclare très satisfait. La légende dit qu’il exigera, de retour à la Malmaison, la même  recette de poulet exactement comme à Marengo. 

Comment est-ce arrivé jusqu’à nous ?

De là à penser que les officiers présents sur le champ de bataille de retour chez eux et profondément marqués par l’épopée Napoléonienne et cet instant d’abandon de leur empereur, ont raconté l’ histoire et propagé ainsi le sentiment de réconfort d’un repas plaisant et reconstituant avec ce que l’on a sous la main, il n’y a qu’un pas que la gourmandise périgourdine peut franchir.  

En 1979, Pierre Bonte s’annonce chez moi en Périgord pour le tournage de son émission télévisée «  Les Recettes de mon village » qu’il anime en partenariat avec Valérie-Anne Giscard D’Estaing. Il viendra et me demandera de proposer et de réaliser un beau plat périgourdin :

Ce sera le Poulet aux écrevisses et aux Tartines de Foie gras du Périgord.

En 2020, répondant à l’invitation de l’Association Foie gras du Périgord,
Pierre Bonte sera l’assistant curieux et gourmand de Philippe Mesuron  pour une nouvelle version de ce plat célèbre.